Le patrimoine sacré  de l’Œuvre

‍L'Oeuvre n'est pas un musée, mais elle a acquis ou obtenu au cours de son histoire différentes œuvres d'art ,essentiellement pour la chapelle, qui constituent un patrimoine. De plus, le Mémorial (le Musée) est la concrétisation de la volonté des différentes communautés des  Messieurs de transmettre l'Histoire de l'Oeuvre à chaque génération .


‍Nous avons donc un ensemble assez exceptionnel pour l'Histoire de Marseille et de son Eglise dont nous devons être les passeurs. La restauration de l'orgue a été pour nous l'occasion de mettre en valeur ce patrimoine. 


‍La chapelle au fil du temps

‍Le 20 novembre 1820, l’Oeuvre acquit «une maison avec jardin», au numéro 20 de la rue Saint Savournin et entreprit aussitôt la construction d’une chapelle (dont le coût s’est élevé à  près de la moitié du prix d’achat de la propriété).


‍La chapelle fut édifiée contre  la façade nord de la maison. Les deux ailes du bâtiment actuel, qui s’avancent à l’Est et à l’Ouest, ont été ajoutées en 1839 et  1840. Le chœur, faisant saillie à l’Est du bâtiment , était éclairé par des fenêtres hautes; les fenêtres du côté sud du chœur ont été occultées lors de la construction de l’aile Est  en 1840.


‍La chapelle était sensiblement plus courte que maintenant; elle ne comprenait que 3 travées;  sa façade Ouest s’ouvrait sur une cour à laquelle on accédait depuis la traverse St Savournin, devenue plus tard, avec quelques modifications, la rue Gérando et  qui était à l’époque approximativement à son niveau. Cette façade a disparu lors de  l’allongement de la chapelle et de la création d’une tribune susceptible de recevoir un orgue. En 1837 et  1838, d’importants travaux d’embellissement ont  été menés à bien, notamment  la création des voûtes factices qui ont remplacé  le plafond plat, l’édification des deux colonnes qui délimitent le chœur  et sa décoration avec  deux cartouches symboliques aujourd’hui disparus ainsi que la pose de deux frises,  dues au sculpteur parisien Dupré.  


‍L’autel, de style tombeau, en bois recouvert de stuc de teinte claire, s’élevait de trois marches au-dessus du sol duchœur dont le niveau a été exhaussé  lors de l’installation du nouvel autel dans les années 1970. Trois  hauts chandeliers étaient disposés de  part et d’autre  du tabernacle, surmonté d’un globe, dans laquelle était fichée la croix qui est actuellement au Musée. Pour les grandes fêtes, un vaste tapis était déployé, que les sacristains appelaient le  «Grand Turc», et qui occupait l’essentiel de la première travée de la chapelle à partir du chœur.


‍La statue de l’Assomption de la Vierge était placée sous un baldaquin, sur le côté  gauche de la chapelle. Lui faisant face, une chaire en bois avait  été installée, à laquelle le prédicateur accédait par une petite porte ouvrant sur le demi- palier du grand escalier de la maison. Lorsque la chaire a été enlevée, une niche a été aménagée pour  la statue. A l’emplacement de la statue, un emplacement avait été  réservé pour recevoir une fresque représentant une copie de l’Annonciation de Fra Angelico; le projet a été abandonné lors de la restauration qui a précédé le bi-centenaire de la fondation de l’Oeuvre. 


‍A l’occasion des fêtes importantes, les murs étaient revêtus de tentures de velours  rouge ou noir. Les différentes stations du  Chemin de croix étaient marquées par des tableaux peints qui ont été remplacés en 1942 par les fresques de Gabriel Bougrain. Un lambris bas courrait au long des murs latéraux. Devant lui, sur une petite estrade étroite, étaient disposées les chaises des «Grands», les petits s’asseyant sur  des bancs en bois sans dossier, disposés longitudinalement, et se faisant donc face. Un de ces bancs est conservé au Musée. Les stalles dans lesquelles les Messieurs prenaient place occupaient le mur du fond de la chapelle, de part et d’autre des bénitiers. C’est depuis ces stalles que chaque année, un dimanche de Novembre, étaient proclamées les Charges qui affectaient une fonction pratiquement à chaque membre de l’Oeuvre ( sacristain, choriste, enfant de chœur, etc). 


‍Dans la chapelle, les titulaires de charges occupaient une place bien définie: les choristes prenaient place  à la tribune, les 24 sacristains se disposaient  en demi-cercle autour de l’autel, et  les portiers, qui ouvraient et fermaient les portes et s’occupaient de l’éclairage, ainsi que les trésoriers de service qui présentaient les bourses  de la quête à la sortie de la messe, s’installaient  près des portes. Les lecteurs, qui donnaient la lecture en français de l’Epitre et de  l’Evangile que le célébrant disait en latin, prenaient place à proximité du chœur. 


‍Les fenêtres du côté gauche étaient garnies de vitraux avec grisailles; Ils ont été remplacés en 2010/2011 .Les fenêtres du côté droit, crées par souci de symétrie lors de la construction de la chapelle, ont toujours été aveugles et n’ont reçu des vitraux qu’en 2011.  L’éclairage était assuré par des chandeliers en appliques, auxquels ont succédé  des becs de gaz, puis  des lustres munis d’ ampoules électriques. Ils ont été remplacés par des projecteurs fixés aux clés de voûte, puis par des luminaires d’une nouvelle génération peu avant le Bi-centenaire.


‍Deux autres lieux de culte étaient aménagés dans l’Oeuvre, la chapelle dite des Anges et un oratoire, au sein des locaux réservés à la Communauté des Messieurs.   La chapelle des Anges, aménagée en 1851 occupait la totalité du deuxième étage de l’aile Est du bâtiment; elle était   destinée aux réunions d’une des associations de perfectionnement auxquels étaient invités à adhérer les membres de l’Oeuvre désireux de parfaire leur imprégnation de la spiritualité du Fondateur. Ces associations ont disparu, remplacées par des groupes de prière; désaffectée, la chapelle des Anges a été réaménagée dans les années 1980, primitivement en chapelle puis pour  l’accueil d’activités diverses.  L’oratoire de la Communauté a changé de place; il se trouve au rez-de-chaussée de l’aile de la Communauté, mais est ouvert à tous et ceux qui arrivent à l’ Oeuvre sont toujours invités à « saluer le Maître de la maison « comme disait Monsieur Allemand.

‍Orgue Ducroquet

‍Le 26 octobre 1850 eut lieu la bénédiction solennelle de l'instrument par Monseigneur de Mazenod, évêque de Marseille. L'orgue est alors joué alternativement par Louis Bignon, organiste de Notre-Dame du Mont, et G. Genoud, organiste des Chartreux. Un document d'archives relate scrupuleusement les moindres détails de cet événement.


‍Cet orgue financé grâce à une souscription, est sorti des ateliers de la Maison Ducroquet à Paris, laquelle avait déjà livré, trois ans auparavant, un grand orgue à Notre-Dame du Mont. Au départ, c'est un petit orgue romantique de 11 jeux sur 2 claviers et un pédalier, initialement destiné à l'église des Chartreux. Quelques jeux sont ensuite ajoutés en 1860 par Théodore Sauer: l'orgue comporte alors 16 jeux.



‍Sa composition initiale

‍    •    Le buffet mesure 3m 84 de large, 2m 54 de profondeur, sa plus grande hauteur jusqu'à la croix qui la couronne est de 5m 10; la surface au sol est de près de 10m². La façade en bois de noyer possède trois tourelles, le reste du buffet est en sapin.

‍    •    L'orgue possède deux claviers de 54 notes (plaquées ivoire et ébène) et un pédalier de 18 notes en «beau chêne». La tuyauterie du 2e clavier, le Récit, est enfermée dans une «boîte expressive» en sapin.

‍    •    L'instrument possède 5 pédales de combinaison. La 1re est l'accouplement qui permet de réunir le 2e clavier «Récit» sur le 1er «Grand Orgue». La 2e permet d'accoupler le Grand Orgue sur lui-même à l'octave grave. Les 3e et 4e «font sortir et entrer le plein jeu et la trompette», la 5e agit sur la boîte expressive.

‍    •    Le Grand Orgue possède 7 jeux (de la note la plus grave à la note la plus aigüe) avec places sur le sommier (caisse d'air sur laquelle sont disposés les tuyaux) pour l'ajout d'un Clairon et d’un Euphone.

‍    •    Le Récit «expressif» a 3 jeux avec place sur le sommier pour un hautbois ou une voix humaine et une flûte de 8


‍Les divers relevages

‍Pendant trois décennies, l'instrument fonctionna à la satisfaction de tous. Les responsables de l'Œuvre ont eu certainement à cœur son entretien régulier (accords, réglages de la mécanique, colmatage des fuites d’air…).


‍En 1880, le facteur marseillais François Mader procède à une importante restauration et augmente ses possibilités sonores en le portant à 19 jeux:


‍    •    Installation d'une machine pneumatique pour compenser la dureté des touches.

‍    •    Modification de la console.

‍    •    Installation d'un pédalier de 27 notes avec un bourdon de 16 pieds.

‍    •    Réfection du sommier du récit. 

‍    •    Changement de certains jeux.


‍En 1943-1945, la manufacture Jacquot-Lavergne de Rambervilliers agrandit encore l'instrument (23 jeux) et procède à une restauration qui va modifier l'instrument d'une manière irréversible. L'orgue se rapproche de l'esthétique néo-classique:

‍    •    Installation d'un système de transmission électrique commandé par une nouvelle console tournée vers le choeur.

‍    •    Avancée du buffet pour pouvoir donner plus d'importance à la pédale qui passe de 27 à 30 notes.

‍    •    Ajout d'un certain nombre de combinaisons (accouplements, tirasses) grâce au système électrique.


‍En 1962, Jean-Albert Negrel,  facteur d'orgue de Roquevaire, déplace la console sur le côté pour permettre à la chorale d'être mieux disposée. Certaines sonorités sont modifiées selon le goût de l'époque.


‍Au service des offices liturgiques qui se déroulent dans la chapelle, l'orgue a également été joué à l'occasion de divers concerts tant sacrés que profanes accompagnant souvent la chorale; il a même accueilli un temps la classe d'orgue du Conservatoire de Marseille. Il a permis à de nombreux jeunes de s'ouvrir à la musique, à certains de se découvrir une vocation et aux plus doués d'entre-eux d'embrasser une carrière musicale.


‍Malheureusement, pour différentes raisons, l'orgue s'est tu voilà plus de 35 ans et il devenait plus qu'urgent de procéder à une rénovation la plus complète possible. En 2013, la Communauté des Messieurs de l'Œuvre, soutenue et aidée par l'Association des Anciens, a décidé de se lancer dans ce chantier en lançant une souscription complétée par l’Œuvre et en organisant 3 concerts de soutien.

‍Au-delà du travail de restauration, les travaux réalisés sont :


‍    •    La rénovation de la soufflerie.

‍    •    La transmission électro-pneumatique de 1943 a été remplacée par une transmission numérique.

‍    •    L'étendue des claviers a été portée de 54 à 56 notes.

‍    •    L'installation d'une console neuve dans la nef.

‍    •    La pose d'un combinateur permettant d'enregistrer à l'avance des mélanges de jeux.

‍    •    La restauration de toutes les parties en bois.


‍L'Orgue a ainsi retrouvé sa voix ou plutôt ses voix puisqu'il comporte très exactement 1259 tuyaux. La transformation de 1962 en orgue néo-classique a été très intelligemment réalisée, en effet, l'éclaircissement des sonorités s'est fait en préservant la plupart des sons romantiques, ce qui est rarement le cas. On peut ainsi jouer la musique du XIXesiècle ainsi que la musique ancienne allemande et française et aussi celle du XXe.


‍Chemin de croix

‍Les fresques des quatorze stations du chemin de croix actuel sont dues à Gabriel Bougrain. 


‍Gabriel Bougrain est né au Caire le 24 octobre 1915. Nous ignorons dans quelles conditions sa famille est arrivée à Marseille. Il est présenté à l'Oeuvre en décembre 1929.


‍Il a probablement commencé  des études d'art à l'Ecole des Beaux-Arts de Marseille qui se trouvait alors, place Carli, tout en continuant de fréquenter l'Oeuvre .Pensionnaire de la Ville de Marseille au concours triennal de peinture en 1935, il poursuit ses études à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris. Il est cité très brièvement dans le dictionnaire des arts plastiques modernes et contemporains de Jean-Pierre Delarge  avec la mention Ecole des Beaux-Arts de Paris.


‍Il rédige pour Notre Echo d'avril 1937 le compte-rendu d'un voyage en Corse qu'il illustre largement.

‍Il commence à avoir une certaine notoriété puisqu'il expose au Salon d'automne de Paris en 1938

‍une nature morte. Il y exposera encore en 1943 et 1944. De 1903 à 1945, ce salon annuel  qui réunissait des artistes de tous les horizons a été un événement majeur de la vie artistique française


‍C'est dans le cadre de la restauration  de la chapelle en 1942 qu'a été réalisé le nouveau chemin de croix qui remplaçait des tableaux de médiocre qualité. Les maçons avaient préparé dans le mur quatorze petites niches  en plein cintre avec un retrait de 4 à 5 cm; il lui revenait de réaliser un chemin de croix plus adapté. Chaque dessin était piqueté pour être reproduit dans la niche au moyen d'un sachet de poudre. Un certain nombre de stations portent soit sa signature soit ses ini-

‍tiales et quelquefois une date. Son travail s'est prolongé jusqu'en 1943.Ce chemin de croix fut béni par le Père Félix Ricard, franciscain, ancien de l’Oeuvre.


‍En 1950, Gabriel Bougrain est lauréat du prix Abd-El-Tif. Ce prix de peinture, créé en 1907 et qui a perduré jusqu’en 1961 permettait à de jeunes artistes de séjourner un an ou deux à la Villa Abd-El-Tif à Alger, devenue Maison des artistes, qui était un peu l’équivalent de la Villa Médicis. Le tableau pour lequel il a été lauréat, «Femmes de la Casbah» est probablement au Musée National des Beaux-Arts d'Alger.


‍Dans le cadre de «l'Exposition artistique de l'Algérie Française», il est présent à Monte Carlo en 1951 (tableau: « Joueurs de cartes») et à Constantine  en 1953 (tableau: « Palmeraie») .Il expose également en 1956 à la galerie Comte-Tinchant à Alger  qui avait été reprise par Edmond Charlot,

‍On perd  ensuite sa trace, même si de temps en temps des dessins ou des peintures apparaissent en vente aux enchères ou sur internet. Nous savons toutefois qu'il décède le 4 décembre 1998 à Tournan-en-Brie (Seine et Marne).


‍Vitraux

‍Ces vitraux sont de type allégorique et s’ordonnent à partir du thème «Les mains tout au long du chemin de croix».

‍Le choix de ce thème a fait l’objet de nombreux échanges lors de la préparation du chantier. Cette étape a été la plus importante et la plus enrichissante car elle a permis de connaître les points de vue de tous les participants, artistes créateurs, Messieurs de l’Œuvre et verriers.

‍Les dessins initiaux, leurs commentaires et les prières les accompagnant sont l’œuvre de Félix Girard, qui les avait conçus dans les années soixante-dix. Ils ont été légèrement remaniés par Robert Franceschi pour les rendre compatibles avec la technique du vitrail; ils ont été ensuite retranscrits sur les vitraux par Chantal Gimmig, spécialiste de la grisaille. On signalera ici que Félix Girard était également sculpteur sur bois et qu’un chemin de croix, à partir de ces mêmes mains sculptées en bois, se trouve dans l’église des Accates.

‍On remarquera qu’il a été nécessaire de faire un choix parmi les 14 stations habituelles de la via crucis, la chapelle ne comprenant que 11 baies.


‍En regardant les vitraux…

‍(Le texte de méditation est de Félix Girard)

‍Coté gauche

‍Chœur

‍Jésus est condamné à mort: «Mains de lumière et de miracles! Mains de Jésus… Mon Dieu! Mains gonflées de Souffrance… Données… Sans force aux liens que serrent nos péchés!»


‍Jésus est chargé de sa croix: «Votre croix qui va vous briser, votre main largement ouverte, votre main l’accepte et la prend».

‍Nef

‍Jésus tombe pour la première fois: «De votre main tendue, mon Dieu, puissiez-vous amortir nos chutes».

‍Jésus rencontre marie: «Communion suprême dans l’offrande! Main qui consacre et qui bénit!»

‍Simon de Cyrène aide Jésus a porté sa croix: «Est-ce le bois d’une charrue que soutient cette rude main?.. Pour quel sillon?.. Pour quelle pluie de sang?..»

‍Tribune

‍Jésus tombe pour la seconde fois: «Sous le poids de la lourde croix, incrustez vos doigts dans la terre, dans la chair de notre terre, de notre terre de misère que féconde votre douleur!»

‍Coté droit

‍Chœur 

‍Jésus est mis au tombeau: «Vos pauvres mains d’enseveli, les avons-nous suffisamment lavées, lavées de pleurs, baignées de larmes… Vos pauvres mains de torturé! Vos pauvres mains aux plaies béantes, aux plaies vidées! Sources taries aux merveilleuses résurgences, aux résurgences de pardon! Saintes mains! Mains de lumière et de force, vous qui venez guider nos âmes aux splendeurs des résurrections!»

‍Jésus est cloué sur la croix: «Pour qui cette main qui broie? À qui cette main qui cloue? Est-ce moi? Mon Dieu?»

‍Nef

‍Jésus est dépouillé de ses vêtements: «Pour qui cette main qui arrache?.. À qui cette main de bourreau? Est-ce la nôtre?..»

‍Jésus tombe pour la troisième fois: «Heurté, brisé, forces vaincues, votre main ne vous sert de rien! Votre main écorchée. Aux cailloux du chemin… Votre main qui déjà se tend au supplice!»

‍Jésus console les femmes: «Ne pleurez pas sur la victime dans vos tristes mains désolées! Sur vous… Sur nous, Souillés!»



‍La réalisation

‍Ces vitraux ont été réalisés par l’Association Massalia VITRAIL, régie par la Loi de 1901, qui a été créée en 2006 par quelques amis animés par la passion du vitrail. Elle organise des formations (ludiques) à la technique du vitrail et accepte également quelques chantiers, uniquement pour faire face aux frais généraux de son exploitation.

‍Massalia Vitrail – 40 Rue de Lorette – 13002 Marseille Tél. 04 91 90 67 13. www.massaliavitrail.com


‍L’installation des vitraux

‍Sous la responsabilité de Massalia Vitrail, les vitraux ont été installés par la Société Azurbaie (Jean-Yves Ribiollet et Didier Maurel). Les vitraux côté droit ne donnant pas sur l’extérieur il a fallu les éclairer de l’intérieur, ce qui a été fait par une équipe d’anciens de l’œuvre conseillés par Georges Dubost.

‍Le chantier a débuté en octobre2010 pour se terminer à la fin de l’année 2011.


‍Statue de l’Assomption de la Vierge

‍L’Assomption de Marie est l’événement au cours duquel la Mère de Jésus, au terme de sa vie terrestre, entre  directement dans la Gloire du Ciel, âme et corps sans connaître la corruption physique qui suit la mort.


‍Cette conviction très ancienne dans les Eglises d’Orient (Dormition) et d’Occident  est fêtée liturgiquement dès le VIII ème  siècle. Elle a été érigée en dogme en 1950 par la Pape PIE XII. Pour les Chrétiens d’Orient l’Assomption reste une fête et non pas un dogme.  Marie a toujours été fêtée le 15 août ,  date présumée de la consécration de la première église à Elle dédiée à Jérusalem.

‍La statue de l’Assomption qui est offerte à la dévotion de tous dans la chapelle de l’0euvre est en bois sculpté polychrome.  La Vierge Marie est représentée enveloppée dans un manteau de couleur  bleue, couleur mariale, parsemée de roses, emmenée vers les nuées  par six angelots. Son auréole est composée de douze étoiles. Dans sa vision de l’Apocalypse, Saint Jean évoque effectivement une couronne avec  douze étoiles.  Dans les années 1950-1955, l’auréole fut remplacée par une Gloire constituée de rayons,  suite probablement à la proclamation du dogme de l’Assomption.  Nous ignorons les dates exactes de l’enlèvement et de la remise des étoiles. La statue fut longtemps entourée de Cœurs de Dévotion en métal argenté qui se trouvent actuellement au Musée du Mémorial de l’Oeuvre.


‍Cette statue avait été offerte aux Pères du Bon Pasteur en 1788 par un ancien membre  puis Directeur, de leur Œuvre, Jean Galin  espagnol de Carthagène. Obligé de rentrer en Espagne, il garda des relations épistolaires avec les Pères Dandrade et  Géraudin. Voulant donner des signes de sa reconnaissance, il offrit à l’Oeuvre du Bon Pasteur une statue représentant L’Assomption due au ciseau de Don Joseph ESTEVE, Directeur de l’Académie Royale de Valence. Cette statue fut jugée si belle qu’elle fut placée dans l’église supérieure,  à la Bourgade  située au Nord de la Place d’Aix, et non dans la chapelle de l’Oeuvre du Bon Pasteur. La bénédiction solennelle eut lieu le 25 mars 1789. Après la démolition de l’église sous la Terreur, la statue fut achetée par un menuisier qui la revendit peu après  pour trois cents francs en assignats à la famille de l’abbé Reimonet  qui hébergeait Jean-Joseph Allemand dans sa maison familiale de la rue Bernard du Bois dite Maison du Figuier. Cette maison existe encore de nos jours. 


‍C’est dans celle ci qu’au cours d’une perquisition, probablement en 1794, la statue  fut outragée et reçut un coup de sabre d’Isoard , chef de la police du quartier. Il fallut toute la persuasion  de la nièce de l’abbé  Reimonet  pour mettre fin à cette violence.  Sortant de sa cachette avec l’Abbé, Jean-Joseph  Allemand voulut passer la nuit en prière, les bras en croix, pour effacer le blasphème. En souvenir de cette nuit, les jeunes gens arrivant à l’Oeuvre  priaient quelques instants, les bras en croix devant la statue.


‍Sur l’insistance de Mr Allemand,  l’Assomption fut cédée à l’Oeuvre de la Jeunesse en 1809. Elle connue donc la place du Laurier, la place de Lenche et en 1820 la chapelle de la rue Saint-Savournain  où elle occupe actuellement la place de l’ancienne chaire.

‍Tableau de l’Adoration des Mages

‍ 400x300cm, date: 1824.

‍Restauration effectuée en 2000 par Francine Grisard.


‍L’auteur : Augustin Aubert fréquente le musée des Beaux Arts de Marseille très jeune, son père en étant un des administrateurs ; dès 1796 il suit les cours de l’école de dessin, avec son maître Joachim Guenin, jusqu’en 1802. Ensuite il fréquente l’atelier du peintre aixois  Pierre Peyron.


‍Il revient à Marseille où il ouvre un atelier et deviendra directeur adjoint de l’école de dessin en 1806 puis directeur en 1810. En 1812 il est nommé à l’Académie   de Marseille. Il reçoit une médaille d’or au Salon de 1817 pour « Le Premier Sacrifice de Noé à la sortie de l’Arche» ), que la ville de Marseille achète pour son musée  (A.Alauzen: la Peinture en Provence, Marseille,La Savoisienne 1962 ; réédition Marseille ,Jeanne Laffitte , 1984).


‍L’oeuvre:

‍400x300 cm, datée: 1824. Restauration effectuée en 2000 pat F.Grisard.


‍Nous sommes en présence d’une Adoration des Mages très inspirée par celle de Rubens (photo ci-contre), peinte en 1634 (328 cm/249 cm) et conservée au King’s Collège à Cambridge.



‍Tombeau de Jean-Joseph Allemand

‍Les funérailles de Jean-Joseph Allemand, décédé le 10avril 1836, ont eu lieu le 12avril, rassemblant une foule immense avec une messe, corps présent, dans l’Église de St-Vincent-de-Paul qui n'était pas encore celle que nous  connaissons.


‍Le corps fut déposé provisoirement dans un caveau du cimetière St-Charles et transféré, peu de temps après, dans le monument que les membres de l'Œuvre érigèrent à leur Saint Fondateur, au moyen d'une souscription. Sur ce monument, on lisait une inscription latine dont la traduction est :


‍«Ici repose Jean-Joseph Allemand, prêtre de la Société du Sacré-Cœur de Jésus, Fondateur de la pieuse Congrégation de la Jeunesse; qui, embrasé du zèle d'Elie pour le salut des âmes des jeunes gens, put dire comme (St) Paul: je donnerai tout, et je me donnerai moi-même pour le salut de vos âmes. À ce bien-aimé Père, qui fut un homme simple et d'un cœur droit, les enfants qu'il engendra en Jésus-Christ ont élevé ce modeste monument.»


‍Trois mois après son décès, le 13juillet 1836, son cœur, enfermé dans une boîte en plomb, fut placé dans l'urne qui domine le monument érigé en son honneur dans la chapelle de l'Œuvre. Sur la pierre, on grava ces mots : « Omnibus omnia factus sum ut omnes facerem salvos : je me suis fait tout à tous, pour sauver tout le monde ».


‍Quelques années avant la fermeture et l’abandon du cimetière St-Charles, qui devait disparaître totalement en 1876, ses restes ont été transférés dans un caveau au pied du monument, le 25novembre 1868, comme le rappelle la plaque.


‍L’emplacement fut un temps protégé par une grille, dessinée par Monsieur Émile Perrault, architecte (Église des Trois Lucs, du Redon, de Belcodène…) et Monsieur de l’Œuvre.


‍Sources :

‍    •    Abbé Pontier, Éloge funèbre de messire Jean-Joseph Allemand, prêtre, directeur de l'Œuvre de la jeunesse, prononcé le 13juillet 1836, à la cérémonie de la déposition de son cœur dans le Monument érigé dans la chapelle de l’Œuvre, Marseille, Imprimerie de Marius Olive, 47rue Paradis, 1836, 31 p.

‍    •    Abbé Gaduel, Oraison funèbre de M. Jean-Joseph Allemand, fondateur de l’Œuvre de la jeunesse de Marseille (1772-1836), prononcée le 25novembre 1868, dans la Cathédrale de Marseille à l'occasion de la Translation de ses restes mortels, du cimetière Saint-Charles, dans la chapelle de son Œuvre…, Marseille, Veuve Chauffard, Libraire, 20 rue des feuillants, 1868 30 p.

‍Ces deux brochures se trouvent dans la vitrine 5 du Musée.


‍Statue de Jean-Joseph Allemand

‍La statue en marbre de Jean-Joseph Allemand a été réalisée dans le cadre du 1er centenaire de l'Œuvre, donc en 1899. Elle a été offerte par les Grands de l’Œuvre alors que les anciens avaient lancé une souscription pour offrir l’ostensoir. C'est au sculpteur François Carli qu’échut la commande.


‍François Carli (1872-1957) est le frère cadet d'Auguste Carli (1868-1930). Celui-ci est connu notamment pour une partie des sculptures du grand escalier de la gare Saint-Charles (Marseille, porte de l’Orient, et Marseille, colonie grecque) ou Sainte Véronique et le Christ, dans la cathédrale de la Major. Leur père avait un atelier de moulage, rue Jean-Roques, qu'il reprend. Il enseigne cette matière à l'École des Beaux-Arts de Marseille. Parallèlement, il mène une carrière de sculpteur, plus précisément dans le domaine religieux: nombreuses œuvres pour les églises et les tombeaux. La place qui se trouve devant le Palais des Beaux-Arts, actuel conservatoire et ancienne Bibliothèque Municipale et École des Beaux-Arts porte le nom d'Auguste et François Carli.

‍Un journaliste qui signe E.R (qui est probablement Elzéard Rougier, journaliste, écrivain, critique d'art et défenseur des santons marseillais – il a longtemps habité au 53, cours Franklin Roosevelt et un bas-relief de Maurice Mangepan-Flégier y rappelle son souvenir) décrit le travail du sculpteur dans Le Petit Marseillais du 9mai 1899:

‍«François Carli, en effet, n'excelle pas uniquement dans l'art d'imiter les chefs-d’Œuvre de la plastique ancienne et moderne, il sait créer, quand il le veut, une œuvre de toutes pièces et avec une habileté consciencieuse et très personnelle…

‍Le saint prêtre est représenté grandeur nature, assis au bord de son pauvre fauteuil, le buste penché, la figure illuminée par la pensée intérieure, dans la pose qui lui fut habituelle. Sous la soutane on distingue la maigre anatomie de son corps usé par les veilles et les privations. Ses mains sont longues et minces, d'un modelé admirable. De l'ensemble de l'œuvre il se dégage une harmonie sincèrement religieuse, une vérité d'expression extraordinaire. C'est bien l'abbé Allemand ascétique et détaché de toutes les choses d’ici-bas.»

‍Le 10mai eurent lieu la bénédiction et l'inauguration officielle:

‍«Arrivé devant la statue du saint Prêtre, le R.P. aumônier ayant commencé les prières de la bénédiction, une main d'artiste enleva délicatement la toile qui, jusqu'à cet instant, la recouvrait, les traits vénérables de Monsieur Allemand apparurent en ce moment aux regards émerveillés et émus de ses enfants…

‍En ce moment, un silence profond régnait dans la salle, on entendait seulement la voix du prêtre qui récitait les prières de la Sainte Liturgie et qui, s'éloignant avec ses trois servants, continuait la cérémonie de la bénédiction des nouveaux locaux.

‍Pendant ce temps, les jeunes gens, et nous avec eux, étant toujours réunis dans le vestibule de la chapelle, autour de la statue de notre vénéré fondateur, le 1er choriste entonna le cantique “Heureux qui d'un cœur docile”. Le couplet repris en chœur par tous les assistants, servit de refrain à quelques couplets composés pour la circonstance chantés par le 1er choriste seul…» 

‍(Extrait de la relation manuscrite du 1er centenaire de la fondation de l'Œuvre mai1799 – mai 1899 conservée dans les archives).

‍La manifestation la plus importante du centenaire eut lieu le 28mai et sa solennité est largement décrite dans cette relation.


‍Cette sculpture vaudra à son auteur une médaille de bronze au Salon des artistes français en 1920. La mention  est portée sur le socle arrière avec une erreur de datation: 1921 C'est la seule récompense qui ait été attribuée à l'art religieux, section de sculpture.

‍François Carli réalise une réduction de l'Œuvre de 0,30cm de hauteur en plâtre qu'il vend 10F. S'il s'agit d'un souvenir pour les acquéreurs, c'est également un moyen de financer la taille du marbre. Il est probable que c'est le modèle qui est présenté dans une des vitrines du Musée.


‍L’autel et le tabernacle

‍Le patrimoine de l’Œuvre Jean-Joseph Allemand vient de s’enrichir de deux belles pièces. La Communauté des Sœurs Franciscaines Missionnaires de Marie a récemment fait don à l’Œuvre d’un autel et d’un tabernacle que vous pouvez voir depuis le mois d’avril 2019 dans la chapelle. Cet autel et ce tabernacle étaient depuis 1970 dans la chapelle des Sœurs dans leur maison au 202, rue Breteuil à Marseille. 

‍Le maître autel est en pierre noire, venue de Belgique. Il est d’aspect strié avec incrustation du texte doré sur le plateau: «Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous plein de grâce et de vérité».

‍La hauteur de l’autel est de 90 cm. Le plateau a une largeur de 100 cm et une épaisseur est de 13 cm. Le plateau semble à l’écoute avoir un parement en métal, reproduisant l’aspect fini de la colonne et du socle qui sont en pierre. 

‍Le visiteur attentif remarquera que sur le pied de l'autel, l'Annonciation est particulière car l'ange Gabriel est à droite, alors que Marie est à gauche. Sur la majorité des Annonciations c’est l’inverse.

‍Le tabernacle présente une finition identique à celle de la table d’autel. Ils forment un très bel ensemble. 

‍Cette oeuvre a été réalisée par Jean Bernard qui a également réalisé l’autel et le tabernacle de l’Abbaye Saint-Victor, consacrés en 1966.


‍Jean Bernard est né le 17 décembre 1908 et est mort le 12 mai 1994. Artiste complet, il était aussi écrivain, tailleur de pierre, illustrateur, sculpteur et peintre. Il devient Compagnon du devoir, tailleur de pierre, à Bordeaux en 1938 bien qu’il n’a pas conclu de Tour de France ni de chef d'oeuvre. Il prend le pseudo de «Fidélité d’Argenteuil». En 1983, Il reçoit le Grand Prix des Métiers d’Art. Jean Bernard est à l'origine, avec d'autres Compagnons, de l'Association Ouvrière des Compagnons du Devoir et du Tour de France, une des trois organisations compagnonniques françaises actuelles. L’AOCDTF est une association loi de 1901 destinée à la formation et à l'apprentissage de plusieurs métiers suivant les traditions du compagnonnage.  Son objet est de permettre à chacun et chacune de s'accomplir dans et par le métier dans un esprit d'ouverture et de partage. Avec Yvonne de Coubertin (1893-1974), nièce de Pierre de Coubertin, il crée en 1950 une association pour le développement du Compagnonnage rural qui devient en 1973 la Fondation de Coubertin, installée à Saint-Rémy-lès-Chevreuse. Cette Fondation a pour objet de parfaire la formation professionnelle, intellectuelle et culturelle de jeunes issus des métiers manuels et de leur transmettre les valeurs du souci de la perfection et de la qualité du travail, du sens de l’honnêteté et des responsabilités.  L’institution reçoit chaque année une trentaine de jeunes gens, appartenant aux métiers de menuisier, ébéniste, métallier, maçon, tailleur de pierre, plâtrier et chaudronnier, issus pour la plupart de l’AOCDTF. 

‍L’Institut des Franciscaines Missionnaires de Marie a été fondé en Inde en 1877 par la bienheureuse Hélène-Marie-Philippine de Chappotin de Neuville, en religion sœur Marie de la Passion (1839 – 1904) béatifiée en Octobre 2002 par Jean Paul II. Reconnu par Rome comme Institut des Missionnaires de Marie, affilié à l’ordre franciscain en 1885 par choix de la fondatrice et de ses premières compagnes, elle compte plus de 6000 sœurs dans 74 pays.  Son siège est à Paris.

‍Sept sœurs furent martyrisées à Tai Yuen Fou, en Chine, lors de la persécution des Boxers en 1900. Agées de 28 à 36 ans, elles soignaient les malades et recueillaient les orphelins abandonnés.  Sœurs Hermine, Nathalie, St-Just, françaises, Chiara et Maria della Pace, italiennes, Amandine, belge, Adolphine, hollandaise ont été canonisées en 2000 par Jean Paul II.

‍La première communauté de Marseille est fondée le 27 mars 1885 au 174 de la rue Breteuil (actuelle rue Lacédémone), son premier but était de recevoir et d’accompagner les Soeurs en partance pour les missions lointaines d’Asie et d’Afrique. Très vite les Sœurs furent sollicitées par la paroisse pour ouvrir un patronage, un ouvroir pour les jeunes filles du quartier, une œuvre des catéchismes pour les petites filles des écoles laïques puis un atelier de broderie et de vêtements liturgiques, un jardin d’enfants, un foyer d’accueil de jeunes filles avec toujours comme motivation première: la mission.

‍Jusqu’à leur déménagement il y a quelques mois la Maison de la rue Breteuil, sous le patronage de St-Raphaël, était essentiellement une maison de retraite pour les sœurs aînées qui ont pour la plupart derrière elles des missions en Chine, Vietnam, Maroc, Madagascar, Congo, Guyane, etc. Certaines ont encore une activité bénévole pour des visites aux malades en soins palliatifs, dans un service du Secours Catholique, auprès des migrants d’Afrique, et surtout dans les services fraternels auprès de leurs sœurs de la maison. Dès 1892, des Franciscaines Missionnaires de Marie de la rue Breteuil ont assuré un service à Notre-Dame de la Garde.

‍Il existe depuis 1991 une fraternité Franciscaine Missionnaire de Marie dans la cité d’Air Bel, implantée à l’appel du Secteur Pastoral de la Vallée de l’Huveaune. Les Sœurs animent des partages de foi, des Mouvements d’Action Catholique et assurent la catéchèse et les liturgies, en lien avec l’équipe pastorale et le Conseil de Secteur. Elles coopèrent avec les Associations pour aider adultes et jeunes à vivre dignement, avec un souci spécial des femmes seules.  C’est leur vie de prière personnelle et communautaire qui se concrétise tous les jours.


‍Le lutrin en forme d’aigle

‍Les moins curieux de ceux qui sont venus dans la chapelle depuis le mois d’avril auront sans doute remarqué à la tribune une imposante sculpture en bois représentant un aigle. Sa présence mérite quelques explications.


‍Il s’agit , en effet, d’un lutrin en forme d’aigle. Le lutrin est un pupitre de lecture sur lequel on posait évangéliaires et antiphonaires (c’est-à-dire les recueils des partitions grégoriennes de la liturgie des Heures). D’après les archives, l’Œuvre a fait l’acquisition de ce lutrin en 1842. On ignore quand il fut réalisé et qui en est l’auteur, s’il s’agit d’une commande de l’Œuvre ou s’il s’agit de l’achat d’une œuvre réalisée pour une autre communauté religieuse. Felix Delobre, Monsieur de l’Œuvre de 1854 à 1907 et supérieur de la Communauté de1885 à 1895, a laissé une Histoire (manuscrite) de l’Institut de l’Œuvre de la Jeunesse. On y lit qu’en 1860, le lutrin était placé devant la grande porte de la chapelle qui s’ouvrait dans le mur qui fermait la chapelle à l’ouest (à la hauteur du tombeau de Monsieur Allemand ) et qui a été démoli lors de l’allongement de la chapelle; cette porte ne servait pas puisqu’on entrait et sortait par la porte latérale. La grande porte, qui donnait sur une petite cour (à l’emplacement du vestibule actuel de la chapelle et de la première travée), n’était ouverte que pour faire de celle-ci une annexe pour les parents, le jour de la Première communion . C'est cette petite cour qui fut ouverte et qui donna, en longueur, une travée de plus à la chapelle. Après les travaux de 1860, le lutrin fut placé sur le côté gauche de la chapelle, autrefois côté de l’Evangile, près de la statue de l’Assomption de la Vierge (aujourd’hui, dans la niche côté droit). On perd ensuite un peu la trace du lutrin, qui fut plusieurs fois déplacé et qui finit par être conservé au musée.

‍Tenant compte du caractère exceptionnel de ce lutrin, l’équipe du Mémorial a proposé à la direction de l’Œuvre de l’exposer à la tribune de la chapelle pour qu’il continue d’interpeler tous ceux qui le voient. 

‍Composé de plusieurs éléments en bois, superposés et pivotants, le lutrin mesure 2,06 m de haut (dont 0,48m pour l’aigle ) et 0,86m de large. Une base, reposant sur quatre pieds en bois naturel sculptés de feuillages, supporte une ove peinte couleur vert Empire, décorée de douze cabochons dorés; au-dessus s’élève le fut du lutrin, décorée de palmettes; la hampe est ceinte de trois couronnes, représentant, la première, un motif floral inclus une décoration sinueuse, une autre des pampres et pour la dernière, des fleurs quadrilobées. Au sommet, s’épanouit une gerbe de palmes décorée de trois croix dorées, que surmonte une sphère peinte en bleu supportant l’aigle tenant un serpent dans ses serres. À noter que deux éléments du corps de serpent font défaut et que la sphère représentant la Terre a été, on ne sait quand, (mal) repeinte, comme en témoignent des traces de peinture bleue sur une aile. La sculpture en ronde bosse de l’aigle, ailes déployées, est particulièrement délicate; sur les ailes est fixé le petit pupitre en fer destiné à recevoir les ouvrages qui devaient être lus.

‍L’aigle choisi pour porter l’Évangile tient dans ses serres un serpent, symbole du Mal depuis la Genèse. La majesté de l’animal, sa vue perçante et les hautes régions dans lesquelles il évolue renvoient au Ciel et à la majesté de Celui qui l’habite. La capacité, qui lui était attribuée autrefois, de pouvoir fixer le soleil en face , en fait un symbole de l’aptitude à la contemplation. Attribut de l’évangéliste saint Jean, l’aigle invite à la contemplation des réalités éternelles; il est signe d’ascendance et il invite au dépassement.

‍En sortant de la chapelle, c’est en quelque sorte un ultime encouragement que nous pourrons puiser en élevant notre regard vers l’aigle de la tribune.


‍Mémorial et Musée Jean-Joseph Allemand

‍Aucune archive spécifique n'existe sur la création du Musée et sur l'origine des objets. En 1868, lors du transfert des restes du fondateur dans la chapelle, les vêtements sacerdotaux dans lesquels il avait été inhumé furent soigneusement conservés dans une vitrine de l'oratoire. C'est en 1907 que ces vêtements furent placés dans une châsse et exposés dans la chambre reconstituée de Monsieur Allemand. On peut penser que c'est à cette époque que le Musée fut organisé.


‍Une carte postale, extraite d'un carnet édité par les éditions Tardy, à l'occasion de l'exposition catholique de Marseille (mai-juin 1935) représente le Musée. L’Œuvre avait à cette exposition  un stand réalisé par Monsieur Perrault, architecte et membre de la Communauté des messieurs.


‍Dans la perspective du bicentenaire (1999), la volonté a été de prolonger le Musée en créant un Mémorial présentant outre la biographie du fondateur, les activités de l'Œuvre, les autres œuvres et structures proches, le périodique Notre Écho, la Communauté des Messieurs… Ce Mémorial est en cours d’actualisation… Le Musée actuel regroupe le Trésor ainsi que le cabinet de travail et la chambre mortuaire de Jean-Joseph Allemand et le Mémorial. Ce trésor est quelque peu comparable aux trésors des églises puisqu'il comprend des vêtements et objets liturgiques… mais aussi des documents originaux relatifs aux différentes étapes du fondateur (en particulier attestation d'ordination, autorisation de Mgrde Cicé de 1804, actes d'état civil…). Nombre de ceux-ci ont été retranscrits ou traduits. On trouve également des portraits de JJA (tableaux la plupart non datés et non signés et gravures), mais aussi des pères Dandrade (1704-1762) et Truilhard (1689-1749) membres de la congrégation du Sacré Coeur  ainsi que de l'abbé Reimonet (1767-1803), maître et ami.


‍Sont conservés près de 80 titres d'ouvrages religieux (biographies, ouvrages de piété, Écriture sainte des XVIIe, XVIIIe et XIXesiècles) dans le Musée, mais aussi dans le cabinet de travail. Certains sont annotés de sa main et pouvaient donc lui appartenir. Nombreux sont ceux qui possèdent un ex-libris (marque d'appartenance). Un inventaire a été établi. Deux in folio, imprimés par l'imprimeur Plantin à Anvers en 1606 et 1702?  sont également présentés.



‍La maison du baron Merle


‍Il est de tradition de situer la création de l’Œuvre Jean-Joseph Allemand le dimanche 16 mai 1799 dans une des chambres d’un immeuble situé vers le haut de la rue Curiol à Marseille chez un certain Monsieur Rome. Elle comptait alors quatre jeunes gens dont la chronique a gardé le nom. Jean-Joseph Allemand avait alors 27ans.

‍Une errance de deux ans s’en suivit dans des hébergements proposés rue des Picpus (actuelle rue Grignan) par la famille Brassevin ou par la famille de Justin Stamaty, l’un des quatre premiers membres. On parle aussi  des domiciles de Monsieur Rome et de celui de Monsieur Aubert, rue Caisserie. Une première et brève installation eut lieu rue Saint-Savournin, probablement dans le local actuellement occupé par le foyer Saint-François-Régis (n°50).

‍En 1801 un local est loué à l’angle de la Place Saint-Michel (La Plaine) et de la rue des Petits-Pères (rue Thiers), dans la rue du Laurier. Ce local appartenait au savonnier César Lombardon. L’immeuble a été détruit en 1894. On peut situer la véritable création de l’Œuvre à cette adresse. C’est là que furent créées les deux Associations, celle du Sacré-Cœur et celle des Saints-Anges qui furent jusque dans les années 1970 la colonne vertébrale de l’Etablissement. Mais surtout c’est dans ce local qu’eurent lieu pour la première fois des confirmations de membres de l’Œuvre. À cette occasion Monseigneur Champion de Cicé, Archevêque d’Aix fut la première Autorité religieuse à visiter l’Œuvre et à rencontrer son Fondateur.

‍Depuis 1802, l’Abbé Allemand tombé alors gravement malade, logeait rue des Minimes (actuellement rue des Frères Barthélémy), où il fut alors soigné par M. Guitton et par M. Roubaud, qui était propriétaire de l’Hotel de la Croix de Malte. Il résidera dans ce logement jusqu’en 1817.

‍Après le Concordat de 1801, le 11 avril 1806, l’Abbé Henry-Toussaint Baron, ancien prêtre du Bon Pasteur revenu d’émigration, acheta à M.de Lombardon le local de la rue du Laurier dans lequel se trouvait déjà l’Œuvre.

‍Le 8 décembre 1809, l’Œuvre fut fermée par décision de l’administration impériale et de 1810 à 1816 Jean-Joseph Allemand devint vicaire à la paroisse de Saint-Laurent aux appointements annuels de 600francs. Des réunions se poursuivent cependant chez certains membres et trois maisons de campagne furent successivement louées dans des quartiers excentrés: Croix de Reynier, Belle de Mai et Gratte Semelle.

‍À la chute de l’Empire en mai 1814, J.-J. Allemand loue un local 8 Place de Lenche, l’ancien Hôpital des Enfants Abandonnés et ancien Hôtel Mirabeau. En 1817 Il viendra y demeurer. Ce local était situé à deux pas du Vieux-Port, dans un quartier populaire aux revenus modestes.

‍Mais en 1820, la fréquentation de l’Œuvre s’est accrue: elle compte près de 300 membres et la location présente plusieurs inconvénients (renouvellement du bail incertain, espace, dépenses à fonds perdu, etc). Une autre préoccupation fondamentale qui apparait dans les différentes biographies et études qui lui ont été consacrées, imprégnait depuis longtemps l’esprit du Fondateur; c’était sa volonté farouche de rechristianiser la jeunesse bourgeoise de Marseille. Il considérait que cette partie de la jeunesse était la plus menacée par l’esprit voltairien dans lequel avait baigné la grande Révolution et qu’il combattait à l’intérieur de l’Œuvre. L’étude des cahiers d’inscription avalise cette interprétation. Monsieur Allemand parlait de «mon œuvre de Muscadins». Ces arguments sont explicitement présentés dans les délibérations du Conseil de l’Œuvre du 9 juillet 1820 préalables à l’acquisition du local actuel.

‍Des anciens membres et collaborateurs de Monsieur Allemand, munis de conseils de modération financière se mirent en quête de trouver une propriété . Leur choix se fixa sur une maison à un étage avec un jardin clos sauf au midi, située dans le quartier de la Croix de Reynier. C’était une zone encore rurale mais peu éloignée du centre ville notamment des quartiers bourgeois du Chapitre avec ses hôtels particuliers et des allées de Meilhand

‍L’acte est signé le 9 juillet 1820 devant Maître Roubaud ancien membre de l’Œuvre, notaire à Marseille, par Monsieur Allemand et par divers membres du Conseil. Le prix est de 14000 francs plus 1500 francs de frais dits de notaire pris en charge par Maître Roubaud. Il est prévu une somme de 6500 francs pour la construction d’une chapelle. Le tout se montant donc à 20500 francs. Un financement fut trouvé par une souscription d’actions remboursables par tirage au sort de six mois en six mois à raison de douze souscripteurs par an à partir du printemps 1821. Cependant, un locataire, Alexandre Massol, Instituteur, occupait la maison. Le bail, dont le loyer annuel était de 600francs, avait été signé le 27 juillet 1817 avec un précédant propriétaire, Jean-Baptiste Marius Ollive, imprimeur très connu à Marseille. Renouvelé, le bail  courait toujours en octobre 1820. Par convention du 13 octobre 1820, Alexandre Massol s’obligea à quitter les lieux le 16 octobre 1820, en contrepartie l’Œuvre versa à titre d’indemnité la somme de 1000 francs.

‍Le 20 novembre 1820 l’Œuvre s’installe enfin au numéro 20 de la rue Saint-Savournin qui deviendra le numéro 25 en 1850 puis le 41. Jean-Joseph Allemand a maintenant 48 ans.

‍Le vendeur de cette bâtisse était Pierre Hugues Victor Merle Général et Baron d’Empire. Il avait acquis cette propriété le 14 janvier 1818 auprès de la famille Ollive. Dans l’acte de vente le Baron Merle est d’ailleurs domicilié chez cette famille au 8 de la rue Neuve de l’Amandier (actuelle rue Augustin Fabre) à Marseille. En réalité il réside à Lambesc. Nous ignorons quels étaient les liens exacts de Pierre Merle avec la famille Ollive. On constate qu’il a gardé cette propriété moins de trois ans. L’étude des actes de vente et des conventions  montrent que Pierre Merle n’a jamais habité la maison acquise par l’Œuvre. Les motivations de l’achat de cette maison par la Baron nous sont inconnues.

‍Né le 26 juin 1766 à Montreuil sur Mer (Pas de Calais) d’une famille originaire du Languedoc, Pierre Merle rejoint en 1781 le régiment de Foix. En 1789 il est caporal de fusilier et lieutenant en 1792. En 1794 il est Général de Brigade! Le 2 octobre 1797 il épouse une jeune veuve marseillaise Françoise Madeleine Bérenguier. En 1798 le Général Merle est mis en état d’arrestation à la prison du Temple pour avoir refusé de faire fusiller des prisonniers vendéens. Il est acquitté par une commission militaire siégeant à Marseille. Écoutant ses amis, il se retire dans la propriété de Lambesc appartenant à la famille de son épouse. Remis en activité après le 18 Brumaire, il passe au commandement de l’armée d’occupation de Turin puis devient Gouverneur militaire de Braunau (Autriche). En 1805 il est nommé Général de Division après Austerlitz. Il se distingue durant la guerre d’Espagne au cours de laquelle il est grièvement blessé et le 19 mars 1809 il reçoit le titre de Baron avec armoiries. Il est alors titulaire de la Légion d’Honneur. Peu connu du grand public, Pierre Merle était l’une des figures de la Grande Armée, estimé pour sa grande bravoure et sa modestie. Il a participé à toutes les campagnes du Consulat et de l’Empire. L’Empereur le distingue à plusieurs reprises. Le Général Merle participe à la campagne de Russie. En 1814 il se rallie aux Bourbons. Après avoir été Inspecteur Général de la Gendarmerie, il accompagne en mai 1815 lors des Cent Jours, le Duc d’Angoulême dans le midi où il est chargé de la défense de Pont-Saint-Esprit qu’il doit cependant évacuer après le ralliement de sa troupe à l’Empereur. Malgré l’intervention du Maréchal Soult il connaît une disgrâce qui l’amènera à demander sa mise à la retraite en 1816 avec une pension annuelle de 6000 francs. Il est alors Grand Officier de la Légion d’Honneur et Chevalier de l’Ordre de l’Ordre Royal et Militaire de Saint-Louis. Le Baron Merle se retire dans sa propriété de Bois-Fontaines aux environ de Nîmes. Dans les jours troubles qui suivent la seconde Restauration dans le Midi, des activistes royalistes incendient sa maison. Il habite alors la propriété de famille de son épouse à Lambesc. Monsieur Mazel son biographe et descendant adoptif signale que le Baron demeure à Marseille en 1822 sans préciser l’adresse. En 1830, malade, il doit se rendre à Marseille où il meurt d’hydropisie le 5 décembre. Il repose depuis au cimetière Saint-Baudile à Nîmes. Le nom du Général Baron Merle est gravé sur la 35ecolonne, pilier ouest de l’Arc de Triomphe de l’Etoile.

‍Jean Magalon


‍Sources:

‍Archives et Documents Œuvre Jean-Joseph Allemand.

‍Brunello, Abbé Félix, Vie du serviteur de Dieu Jean-Joseph-Allemand, fondateur de l'Œuvre de la jeunesse (1772-1836), Paris, Sagnier et Bray ; Marseille , Chauffard, 1852.

‍Gaduel, Abbé Jean-Pierre-Laurent, Le Directeur de la jeunesse ou la vie et l'esprit du Serviteur de Dieu Jean-Joseph Allemand, prêtre du diocèse de Marseille…, Paris, Lyon, Jacques Lecoffre et cie, 1867.

‍Arnaud, Henry, La Vie étonnante de J.-Joseph Allemand Apôtre de la Jeunesse, Marseille, Sopic, 1966 (supplément au n°91 de Notre Écho).

‍Arnaud, Henry, 1789 L'Église de Marseille dans la tourmente, Marseille, Imprimerie Robert, 1988.

‍Bruschi, Christian, «L’Œuvre de la Jeunesse de Marseille . Un prêtre marseillais devant la jeunesse bourgeoise du xixe» dans Provence Historique, t. XXIX, fascicule 117, 3e trimestre 1979.

‍Mazel, Elie, Vie de Pierre-Hugues Victor Merle, Nîmes, A. Baldy, 1860.

‍Portrait du Général Baron Merle
Origine : Musée de Lambesc